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Ankara pourra-t-il se racheter ?

US Rep. Ilhan Omar (D-MN) (L) talks with Speaker of the House Nancy Pelosi (D-CA) during a rally with fellow Democrats before voting on H.R. 1, or the People Act, on the East Steps of the US Capitol on March 08, 2019 in Washington, DC. (AFP photo)
Protestation à Moscou contre les actions des Forces aériennes de la Turquie, en mars 2016©sputniknews

Le choix de « Bagdad » comme la destination d’une visite officielle par le Premier ministre turc Yildirim est très significatif à tel point que le célèbre analyste arabe Abdel Bari Atwan y consacre un article :

Abdel Bari Atwan, analyste arabe des questions internationales. (Archives)

« C’est un choix qui intervient au moment où les unités anti terroristes irakiennes s’apprêtent à lancer la seconde phase de leurs opérations pour reprendre la ville de Mossoul aux terroristes de Daech. Ceci a tout son sens : Erdogan semble avoir définitivement opté pour rallier l’axe Iran/Syrie ».

L’éditorialiste de Raï al-Youm ajoute : dans un effort destiné à relancer les relations avec l’Irak, le Premier ministre turc s’est rendu à Bagdad. Il a essayé ainsi de sortir la Turquie de l’isolement, ce qui marque encore une fois, une marche arrière par rapport à ce qu’a été la politique syrienne d’Ankara il y a encore quelque temps. Yildrim se faisait accompagner d’une haute délégation composée entre autres des ministres turcs de l’Énergie et de la Défense. Le fait que le déplacement s’effectue au seuil de la seconde phase de la bataille pour la libération de Mossoul des mains de Daech signifie la très ferme volonté d’Erdogan de rejoindre l’axe Iran/Syrie. En échange d’une lutte irakienne contre le PKK, le PM turc s’est engagé au nom de son pays de se retirer de la base militaire de Bachiqaa dans le nord de Mossoul. La présence de l’armée turque à Al-Bab où celle-ci se fait aider par l’armée russe est une preuve supplémentaire à ce changement de cap. 

En effet, trois évolutions majeures intervenues sur le plan intérieur et extérieur pourraient expliquer la position fluctuante d’Ankara en ce moment, position qui l’a poussé à effectuer des virages de 180 degrés dans plusieurs dossiers régionaux. Primo, la détérioration des relations entre la Turquie et les États-Unis de façon sans précédent. Après avoir accusé les États-Unis de soutenir Daech, la Turquie a été pratiquement mise au ban de l’OTAN et sa réponse à cette mise à l’écart a pris la forme d’une menace, celle de fermer les portes d’Incirlik aux avions des États-Unis et de l’Occident. Secundo, les propos surprenants du vice-premier ministre turc Numan Kurtulmus qui a reconnu les « erreurs commises » par son pays en Syrie et l’actuelle volonté de son gouvernement d’aider à la mise en marche du processus démocratique en Syrie ». Tertio, une affaire d’ordre intérieur (le coup d’État manqué) et qui provoque le licenciement de milliers de fonctionnaires et de militaires suspectés de liens avec le mouvement güleniste. 

Le vice-premier ministre turc Numan Kurtulmus (Archives)

Force est de constater que ces trois événements sont en rapport les uns avec les autres et qu’il faudrait les prendre en compte pour comprendre la suite des évolutions en Turquie. 

Il est clair que la menace de fermer à l’Occident les portes de la base d’Incirlik contient un message, mais de là à voir les Américains se sentir menacés, il y a un pas qu’il est difficile à franchir dans la mesure où les États-Unis détiennent de nombreuses bases militaires dans les pays arabes de la région. Le plus gros problème auquel Erdogan et son gouvernement doivent faire face sont les contractions qui caractérisent leurs politiques non seulement d’ordre régional, mais aussi international. Quand le vice-premier ministre turc reconnaît les « erreurs de la politique syrienne d’Ankara », il n’y a plus aucune raison pour insister sur ces erreurs. Ces « erreurs », ainsi que le reconnaît ce responsable turc, ont permis au terrorisme de s’étendre sur territoire turc au risque de faire exploser ce pays et de le mettre en danger de démembrement.  

En s’engageant aux côtés des États-Unis et de l’OTAN dans les interventions militaires en Libye, en Irak et en Syrie et au Yémen, la Turquie a semé le vent du « confessionnalisme » pour récolter la tempête du « terrorisme ». Le vice-premier ministre turc qui fustige aujourd’hui « les parties qui veulent induire en erreur l’opinion publique » et qui « cherchent à semer la discorde ethnique et confessionnelle » en a oublié une : Ankara se trouve à la tête de ces parties-là et il s’y trouve encore. Et pourtant une chose est sûre : mieux vaut tard que jamais... 

 

 

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SOURCE: FRENCH PRESS TV